Première partie d'un gentil petit texte qui raconte mon passé. La suite suivra un jour.
Paria
Cerseï fit son apparition dans le village Elendius un matin de juillet où la chaleur était écrasante.
Cet été là, comme à chaque saisons, Bérius dit « le Messager», était allé faire le tour des villages voisins pour échanger les lettres. C’était une tradition créée lors de la Grande Occupation qui permettait aux petites bourgades d’Amandrys de garder contact. Étant un des rares à savoir lire et écrire à des milles à la ronde, Berius du village Elendius s’était vu attribuer la lourde mission de distribuer lettres et présents pour les membres de sa communauté.
Cet année là, par contre, il était revenu avec quelque chose d’autre, quelque chose d’inattendu. Pas de lettres ni de cadeaux mais plutôt une petite fille aux yeux translucides d’environs cinq printemps.
« Quoique c’est ça? Demandait-on surpris, Quoique c’est qu’y nous à ramener là, l’Messager? Voulez-vous ben m’dire qui c’est ça s’te môme là ?
-Paraîtrait qu’c’est sa sienne, de môme! Qu’on répondait, sur un ton de confidence. Paraîtrait qu’on lu’a jamais dit, au Messager, qu’y avait une gamine! Paraîtrait qu’y a apprit ça que c’t’été!
- Oui, qu’on rajoutait d'un air pompeux, on m’a toute raconter ça, à moi! Écoutez ben vous autres: la mère, elle a eut une ben grosse maladie. Quand est morte, pu personne a voulu s’occuper d’son mioche. Ça fait que quand l’Messager est arriver, y se sont pas faite prier pis y lu’on donner en dissant « Occupes-toi z’en, Nu’autres, on en veux pu de s’t’affaire là »!
-Ben ça alors! Qu’esse qu’y a son mioche au messager ? qu’on se demandais inquiet.
-Aucune idée, qu’on répondait en riant, mais j’aurais jamais pensé qu’l’Messager y soit capable de t’faire un enfant... pis encore moins que quelqu’un veuille un enfant d’lui! »
L’histoire était sur toute les lèvres, on ne parlait plus que de l’enfant mystérieux du Messager. Tout le monde répétait la même histoire, les mêmes détails, les mêmes annecdotes, sans jamais se lasser. De Bérius, on n’obtenait peu d’informations. Il ne parlait jamais de sa fille, pas même à ses rares amis ou à ceux qui était assez hardi pour lui poser des questions en face.
L’automne arriva enfin, apportant avec lui les vendanges et les paysans eurent bientôt trop de travaille pour continuer leur commérage. On oublia Cerseï, préférant discuter des récoltes qui furent, cette année là, étonnement abondantes. Malheureusement, le répit fut de courte durée. Bien vite, le comportement insolite de l’enfant commença à en inquiéter plus d’un. Petit à petit, on se mit à jaser et son nom redevint le principal sujet de conversation:
« La p’tite Cerseï, qu’on murmurait, elle est pas comme nous autres... Y’a queu’que chose qui tourne pas rond dans sa cervelle, ça c’est sûre! Rien qu’à voir d’la manière dont qu’elle te regarde, c’est comme si qu’à verrait au travers de toi! Mais c’est pas l’pire, Oh non madame! Y’a des fois où qu’elle se met à parler dans le vide, comme si qu’y’avait quelqu’un qu’y lui parlait! C’est pas sain tout ça, oh non! c’est pas sain! Elle va attirer la poisse ici! M’étonnerai pas qu’d’ici queu’qu’temps, on soient tous morts dedans l’villages! S’t’une vrai sorcière de magie noire s’t’affaire là! J’sais pas d’où s’qu’il nous l’a ram’né, l’Messager, mais moi j’vous l’dit , c’est pas bon pour nu’autres, s’t’affaire là! Oh non!»
Lorsqu’ils la croisaient, marchant pieds nus dans les rues du village, les passants détournaient les yeux. Lorsqu’ils l’apercevaient, battant des mains dans les airs comme pour chasser un insecte invisible, ils ne pouvaient s’empêcher de pester. Mais c’est lorsqu’ils la voyaient murmurer des discours dénudés de sens à un interlocuteur imaginaire, qu’ils adressaient des prières à leurs dieux, réellement effrayé.
Cerseï, fut donc étiquetée en tant que folle et on changea d’attitude à son égard. Bien entendu, on avait encore peur de son regard translucide, de ses phrases décousus, de ses excentricités... mais
à quoi bon frémir devant quelqu’un qui n’a pas toute sa tête ? À quoi bon frémir, surtout quand on peut en rire?
La petite fille grandit donc en solitaire dans la forteresse imaginaire de ses pensés. Personne ne voulant être vu en compagnie d’un paria, les seuls amis de Cerseï furent ceux qu’elle se créait...
Tout bascula treize ans plus tard, au mois de juillet .
****
«
Un escalier qui ne mène nulle part, un océan asséché, un cube de sucre ...
Un corbeau blanc, une montagne à deux tête, un chat aveugle et un peu de sel.
Six pendus dans un coins, une ruelle céleste, une montre déréglée, du poivre.
Danse avec moi, ne perd pas de temps
Car rien n’est assez beau pour effrayés les fous.
Les morts tremblent et rient dans l’Eden
Et tous s’entrelacent dans une farandole insensée.»
Cerseï gambadait sous l’orage en chantant une comptine de son cru. Pas trop fort surtout, car papa n’aimait pas ses chansons, mais juste assez pour faire rire les gouttes de pluie. Elle était partie faire la tournée des lettres depuis déjà une semaine et demi et il avait plus tous les jours. Le ciel devait être triste...
Elle sortie de ses pensées en entendent son père la héler. Cerseï pouffa en le voyant faire des grands signes pour attirer son attention. C’était un comique papa, toujours à faire le pitre pour la faire rire, toujours en train de... Oh! En penchant la tête d’un certain angle et en louchant un peu, elle était capable de voir un arc-en-ciel! Comme c’était joli... Agitant les mains devant elle, Cerseï tenta de l’attraper. Qu’elle texture pouvait bien avoir un arc-en ciel ?
Son papa avait maintenant un drôle d’air sur le visage. Il agitait grand les bras, courait vers elle et criait très fort. Qu’il état drôle son papa. Encore une fois, Cerseï se mis à rire... et arrêta brusquement lorsqu’elle sentit quelque chose de long te froid se poser sur sa gorge.
« Alors, petite, fit une voix affreuse, on ne rigole plus ? »